Les défaillances cognitives de l'autisme

1°/ La première difficulté cognitive se situe au niveau de la première étape, celle de la SENSATION.

Les autistes ont un trouble de la modulation sensorielle.
Le récepteur sensoriel marche, mais la modulation est anormale, allant de la sur-stimulation à l'inhibition massive. Tout ceci, de façon imprévisible et au niveau de tous les récepteurs (vue, ouïe, tact, douleur, température).
Temple Grandin, une autiste brillante qui a pu, à l'âge adulte, décrire l'autisme «de l'intérieur» compare son environnement sonore à une radio dont on ferait varier l'intensité et la fréquence de manière inattendue avec, à certains moments, des bruits qui se transforment en véritable supplice chinois (elle emploie l'image de la roulette du dentiste sur un nerf).

 

De cela on peut tirer deux conséquences :

Voici deux illustrations :

Cette «asepsie sensorielle», comme on peut l'appeler, est surtout à rechercher dans les situations difficiles, en particulier dans deux cas :

Mais dans un deuxième temps, quand un élève aura acquis une nouvelle compétence, il faudra qu'il puisse l'utiliser dans la vie quotidienne. Il sera donc nécessaire de diminuer petit à petit cette asepsie sensorielle pour en arriver aux conditions de la vie normale. C'est une des formes du processus généralisation.


2°/ Le deuxième déficit cognitif l'ATTENTION

Cette affirmation paraîtra étrange à tous ceux qui ont vu un autiste s'abîmer dans la contemplation d'un objet qui tourne, ou ramasser toutes les miettes sans en oublier une sous la table de la salle à manger. Pourtant les éducateurs ont bien des difficultés à attirer et retenir l'attention des autistes. Pourquoi ?

 

 

 

3/° Le troisième déficit cognitif : le stockage de l'encodage dans l'étape de MISE EN MEMOIRE.

Au sens visuel du terme nous savons que les autistes ont une bonne mémoire : ils stockent bien et se rappellent bien l'information. La précision étonnante des bons souvenirs dans certains domaines nous le montre bien.
Ce qui est laborieux chez eux, c'est la classification de l'information, son encodage.

a)La classification par critères perceptifs, qui se fait dans le cerveau droit, est souvent chez eux bien conservée. C'est un de leurs points forts et il faudra toujours employer des critères visuo-spatiaux pour les aider à se repérer dans le monde.
b) Les classifications par catégories et par séquences qui se font au niveau du cerveau gauche sont beaucoup plus laborieuses et nous allons maintenant approfondir assez longuement ces deux aspects :
b1) En ce qui concerne la classification par catégories, base de la conceptualisation, elle est difficile parce qu'elle implique un certain degré d'abstraction mais aussi parce que souvent l'étape préalable, celle de la construction d'objets, n'est pas de bonne qualité.
Dans ce cas pour le travail de classement, les personnes autistes envoient en mémoire, non pas l'objet lui-même, mais les impressions émotionnelles associées à l'objet. Elles associent ces impressions avec le code de l'objet donnant naissance à des couplages aberrants qui dépendent des circonstances.
La cave peut logiquement coder au lieu du sous-sol de la maison, la sensation de nuit, mais elle peut aussi coder le fait d'allumer la lumière car chaque fois que l'on dit qu'on va à la cave, en même temps on allume la lumière. Autre histoire de codage aberrant : une tante demande à son neveu de 6 ans : que veux-tu pour Noël ? il répond : «c'est trop cher». « Mais qu'est-ce qui est trop cher ?» «C'est trop cher, c'est trop cher» répète l'enfant qui finit par pleurer et hurler. Différents recoupements amènent après plusieurs jours à comprendre que «c'est trop cher» code un jeu «Nintendo» remarqué par l'enfant dans un supermarché quelques semaines auparavant et qui avait amené de la part de sa mère la réflexion «c'est trop cher».
On propose cette interprétation qui est approuvée par l'auteur, on discute et tout cela se calme. On aide ensuite l'enfant à faire l'encodage correct de ce qu'il voulait et également celle de l'expression «c'est trop cher».
Cet exemple particulier me parait important pour deux raisons :
• D'abord, il montre la nécessité absolue d'une circulation de l'information entre les différents intervenants.
• Ensuite, il montre l'incapacité des psychothérapies classiques à aboutir au but louable qu'elles se fixent, à savoir : aider l'enfant autiste à reconstruire son univers symbolique et affectif.
Dans ce cas précis se basant sur un codage conventionnel qui aurait été tout à fait justifié pour un autre type d'enfant, le psychothérapeute, avait proposé l'hypothèse suivante : l'enfant intériorisait les impératifs maternels, mais ne les adoptait pas vraiment, et ce conflit, source d'angoisse et de frustration, l'amenait à se réfugier dans un refus obstiné de communication à ce propos.
Ces codages aberrants sont plus visibles chez les personnes verbales, mais ils existent aussi chez les autistes et sont beaucoup plus difficiles à repérer.
C'est souvent l'historique d'un trouble du comportement qu'il faudra reconstruire à plusieurs pour trouver des hypothèses, les tester et tenter enfin de comprendre.
Comment pouvons-nous aider la personne autiste à faire les bons codages par catégories, c'est-à-dire ceux qui l'aident à ne pas vivre dans le quiproquo, et à mieux communiquer ?
Deux solutions complémentaires :
b2) La classification par séquences , ou encodage séquentiel, présente une difficulté
supplémentaire : c'est la nécessité de retenir les séquences dans le bon ordre.
Cela implique donc sur le plan éducatif :
  • De décomposer chaque action en étapes successives.
  • De concrétiser ces étapes par des objets, des images, des schémas, des mots écrits ou des rapports verbaux très schématiques, cela encore une fois, en fonction des capacités d'abstraction de l'individu.
    La consigne doit être ici de ne rien laisser d'implicite et c'est cela le plus difficile.

Charles Hart père d'autiste et éducateur donne un témoignage de cette difficulté :
Il était très content d'avoir appris à son fils à laver son linge et à le ranger convenablement.
Cette activité était acquise depuis longtemps, pourtant un jour, il eut la surprise de découvrir du linge trempé mais bien plié dans ses tiroirs. Le sèche-linge était en panne, Ted avait suivi les séquences indiquées, mais on avait omis de lui préciser une toute petite séquence intermédiaire en sortant le linge du séchoir, il fallait vérifier qu'il était sec !
En conclusion, tenir compte des problèmes cognitifs d'une personne autiste, c'est mettre en oeuvre une éducation individualisée, cette éducation devra tenir compte de trois paramètres :

Ne pas donner d'éducation à une personne atteinte d'autisme
relève du non-respect des droits de la personne humaine
et de la non-assistance à personne en danger.

Mots-clés: Autisme, FAQ, Cognition

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