Etienne, premier étudiant handicapé aux Mines de Paris

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Etienne, premier étudiant handicapé aux Mines de Paris

Etienne fait partie des 4% d'handicapés à intégrer une grande école.

Seuls 2 bacheliers sur 10 en situation de handicap poursuivent leurs études au-delà de la terminale. Etienne Moullet a bravé les statistiques en devenant le premier étudiant handicapé de l'école d'ingénieur des Mines, à Paris. 

Assis dans un café, près du jardin du Luxembourg, Etienne plaisante avec ses amis. Comme n'importe quel étudiant. Une année d'avance, mention au bac, classe prépa à Annecy, école des Mines... Ce gaillard d'un mètre quatre-vingt-quinze a le cursus type d'un élève brillant. Sauf que le jeune homme est assis dans un fauteuil roulant. Il fait en effet partie des 4 % d'étudiants handicapés à intégrer une grande école.  

[Consultez le baromètre 2012 de l'accessibilité des villes réalisé par l'Association des paralysés de France (APF)] 

A 14 ans, un accident de baignade le prive de l'usage de ses mains et ses jambes. Le début d'un long combat. Durant un an, il suit une rééducation intensive. Une cellule scolaire lui permet de préparer l'épreuve anticipée du bac. "J'ai éludé la majorité du programme. On s'est concentré sur le Français que je passais à la fin de l'année." Mais en septembre, l'établissement ne peut plus lui dispenser de cours. Le jeune savoyard doit retourner dans son lycée. 

"Un faux tétraplégique"

Le directeur de l'établissement croit en lui et l'accepte sans réticence. La mère d'Etienne s'arrête de travailler pour lui apporter les soins nécessaires pendant la journée. "Je dois être traité toutes les quatre heures!" explique l'étudiant. Pour ses cours, un appareillage lui permet, à la force de l'épaule, de prendre des notes. "Je suis un faux tétraplégique", plaisante-t-il à dire. 

Sa fin de scolarité se passe sans aléas, il prépare déjà son entrée en prépa. L'accueil du proviseur de l'établissement qu'il convoite fut d'abord glacial. "Il était très pessimiste. On a eu l'impression qu'il cherchait à nous décourager. Lors de la visite, il s'est rendu compte lui-même qu'il n'y avait absolument aucun problème d'accessibilité." Sa mère le suit donc à Annecy, où ils achètent et aménagent. 

Après deux années de prépa exemplaires, Etienne se classe parmi les meilleurs éléments. Son rêve? Polytechnique, comme son grand frère. Malheureusement, le statut militaire de l'école d'ingénieur implique des aptitudes physiques... incompatibles avec le handicap du jeune homme. Ce sera donc les Ponts et Chaussées, dans un bâtiment flambant neuf et tout ce qu'il y a de plus accessible, ou les Mines, dans une bâtisse classée du 5e arrondissement de Paris. Etienne aime les obstacles et choisit les Mines. Sa mère et lui s'installent dans la capitale. 

"Les travaux nécessaires à ma venue ont été effectués pendant l'été: douche à l'italienne à la Maison des étudiants, toilettes handicapées, porte d'entrée automatique... Une fois qu'elles y sont confrontées, les structures font de leur mieux pour nous aider." Aux Mines comme dans ses précédents établissements, Etienne aura fait progresser l'accessibilité des handicapés. 

"Les Etats-Unis sont en avance sur l'accessibilité"

Aujourd'hui, ce tétraplégique de 21 ans espère que les progrès médicaux lui permettront de devenir toujours plus autonome. En attendant, il se bat au quotidien. Une association composée de membres de sa famille et d'amis s'est mobilisée pour qu'il puisse acquérir du matériel de rééducation. 

L'avenir, il n'en a encore qu'une vague idée. Mais la réalité commence à le rattraper. En juin, il doit effectuer un stage en entreprise. Doit-il avouer son handicap sur son CV? Comment sa particularité sera-t-elle prise en compte? Le monde professionnel reste un terrain qu'il n'a pas encore apprivoisé. "Je reste un peu frileux sur la question", concède-t-il. 

Insister. Se battre. Il lui en aura fallu de la ténacité pour se faire entendre. "Les personnes manquent souvent d'information. Le mot handicapé leur fait peur." Le jeune homme l'avoue lui-même, il portait un regard plein d'appréhension envers les personnes en fauteuil avant son accident. Il essaie aujourd'hui de sensibiliser ses camarades lors de portes ouvertes ou de journées spéciales comme Handivalides

"Il faut repousser ses limites". Conseil qu'il applique dès qu'il en a l'occasion. Son dernier défi? Un voyage organisé par son école aux Etats-Unis. C'était la première fois qu'il prenait l'avion. "Les aéroports sont au point pour accueillir les handicapés." Ce qu'il retient de ce séjour? "Les Etats-Unis sont en avance sur nous quant à l'accessibilité et la circulation. Là-bas, je peux rentrer sans problème dans le moindre petit snack d'un village perdu du Colorado!" 

En France, c'est une autre histoire. Si les bus parisiens et les institutions publiques sont très bien adaptés selon lui, il rencontre encore quelques problèmes dans les bars ou les restaurants de la capitale. Pour autant, il se sent très bien intégré dans sa vie d'étudiant. "Ma mère était infirmière et a pu être à mes côtés, comme les établissements dans lesquels j'ai étudié... J'ai eu beaucoup de chance!" estime le jeune homme. Beaucoup de courage aussi.

Mots-clés: Étude, Presse

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