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handicapHandicap.fr :Le slogan de la Fagerh, c'est « Accompagner, c'est notre métier ». Quelle place pour la formation dans cet engagement ?
Isabelle Mérian
: Notre mission historique est d'assurer la reconversion professionnelle des adultes suite à un accident ou une maladie. L'âge moyen des travailleurs dans nos établissements est de 40 ans, avec parfois dix ans d'expérience professionnelle dans leur ancien métier. Autant dire que, dans le cadre d'une reconversion professionnelle, parfois nécessaire, les questions d'orientation et de formation occupent une place prépondérante.

H : Vous étiez invitée il y a quelques jours au colloque de la fondation Chirac sur la thématique « Qualité de vie au travail des personnes handicapées » pour aborder la question de la formation...
IM
: Oui, en effet. La question du travail est fréquemment mise en débat mais plus rarement celle de la formation. Or la loi de 2005 promeut l'accessibilité sous toutes ses formes, y compris dans ce domaine. Faut-il encore rappeler que le taux de chômage des travailleurs handicapés est deux fois supérieur à celui des « valides ». Dans ce contexte, même s'il ne constitue pas le seul enjeu, l'accès à la formation professionnelle doit être amplement facilité.

H : Mais il y a peu d'initiatives dans ce domaine...
IM
: La situation est paradoxale. En France, nous sommes très bien pourvus. Il existe un large panel de dispositifs de formation, on en dénombre, par exemple, 53 en Ile-de-France, mais comment faire pour qu'ils soient réellement accessibles et, pour commencer, connus de tous ? Car le premier problème, c'est l'information. Pour le commun des mortels, accéder aux bonnes ressources, c'est le parcours du combattant.

H : N'y-a-t-il pas un moyen de remédier à cela ?
IM
: Lors de la conférence nationale du Handicap, en juin 2011, des annonces relatives à la formation ont été faites... On prévoit l'élaboration d'un guide pratique qui identifierait les acteurs et dispositifs mobilisables pour les personnes handicapées, qui impliquent notamment les CRP ou l'alternance, avec une cartographie dans chaque région.

H : C'est la lourdeur des rouages administratifs qui compromet l'accès à la formation ?
IM
: Pas seulement. Prenez le cas d'une personne qui a eu un accident - car il ne faut pas oublier que 85 % des situations de handicap surviennent au cours de la vie-, il lui faut du temps pour faire le deuil de son passé et le bilan de ses nouvelles capacités avant de pouvoir se projeter dans l'avenir. Dans ce contexte, la personne handicapée est souvent saisie par l'urgence; elle est demandeuse de « travail » mais très rarement de « formation ». Vous saisissez la nuance ?

H : Mais elle est en général accompagnée par Cap emploi ou par la MDPH, qui l'aident à redéfinir son « projet de vie »...
IM
: Vous savez, l'enfer est pavé de bonnes intentions. La loi de 2005 pensait être constructive en parlant de « projet de vie » mais c'est compliqué pour une personne handicapée de faire des choix qui l'engagent pour plusieurs années. Si je vous demande quel est le vôtre, cette question risque de vous laisser bien perplexe.

H : Les organismes de formation sont-ils disposés à accueillir des stagiaires handicapés ?
IM
: Les organismes de droit commun peuvent hésiter à s'engager dans un domaine où il faut composer avec des problèmes de santé ou de handicap pour lesquels ils n'ont pas de compétence particulière. Or ils sont tenus, par la loi, de s'adapter à ces contraintes spécifiques : accessibilité des locaux, adaptation des rythmes, de la pédagogie, des examens, temps partiels ou discontinus... Ils avancent sur ce terrain, mais plus lentement que prévu. Le principe est posé et on va finir par trouver les modalités qui vont avec... Par ailleurs, encore faut-il que les transports soient compatibles, que le stagiaire puisse faire garder ses enfants s'il doit se déplacer loin de chez lui, qu'il trouve, le cas échéant, à se loger...


H
: Quels sont les recours pour obtenir gain de cause ?
IM
: Il y a d'abord les leviers législatifs. La loi de 2005 accorde une grande responsabilité aux MDPH dans ce domaine. Un volet spécifique du Plan personnalisé de compensation du handicap prévoit en effet cet accès à la formation. Des propositions peuvent donc être faites par les équipes des MDPH, ce qui donnera plus de poids pour se présenter auprès d'un organisme de formation et bénéficier de l'appui des partenaires locaux pour obtenir des aides spécifiques (matériel adapté, planning aménagé, présence d'un interprète LSF...). Le deuxième levier, c'est la transposition dans la loi de 2005 de la directive européenne sur la non-discrimination, qui « propose » à l'employeur de prendre les mesures appropriées pour qu'une formation adaptée aux besoins du travailleur handicapé soit dispensée.

H : Mais elle ne fait que « proposer ». Alors au quotidien, on fait comment ?
IM
: Il convient de mobiliser l'Agefiph ou le Fiphfp, ainsi que les mécanismes habituels de « droit » à la formation de tous les travailleurs. Si ces dispositions ne sont pas respectées, cela relève du pénal. Une telle menace encourage donc l'employeur à « étudier » la question !

H
: Et qu'en est-il de la rémunération en cours de stage ?
IM
: Pour ce qui est de la rémunération du stagiaire, il y a de réels soucis car, depuis quelques années, l'Etat se désengage lors du vote de la loi de finances. Mais lorsque vous devenez handicapé à 40 ans, il va sans dire que vous ne pouvez pas vous permettre de vous former sans compensation. C'est un domaine sur lequel nous devons tous rester vigilants...

H : Que proposez-vous pour que la situation évolue ?
IM : On peut regretter le manque de concertation entre l'assurance maladie, l'Etat et les régions pour faire travailler ensemble les acteurs investis dans ce domaine. Il devient donc urgent de recenser et de quantifier les besoins de formation des personnes handicapées, de faciliter la synergie entre les organismes, de prévoir des programmes pluriannuels d'accueil comme la loi de 2005 y incite. Si la question n'est pas davantage prise au sérieux, on n'y arrivera pas.

H : Et pour les jeunes, c'est la même galère ?
IM : Avant seize ans, il n'y a qu'une seule adresse : l'Education nationale ! Mais, après, ça se complique vraiment ! Accompagner les jeunes, c'est l'un des engagements prioritaires de la Fagerh qui s'engage pour leur formation et leur orientation. C'est pourquoi nous proposons que toutes les plateformes d'orientation disposent de moyens techniques et humains pour mieux accompagner les jeunes handicapés dans leur parcours.

H : Mais ce service concerté de la formation n'existe pas ?
IM : Si, un service public de l'orientation a été créé en 2009, mais il n'y a pas un mot sur les personnes handicapées. C'est normal, après tout, puisque c'est un dispositif de droit commun, applicable à tous. Mais il conviendrait tout de même de gérer ces situations particulières avec davantage d'expertise. Les MDPH commencent néanmoins à s'intéresser à ce service, ce qui devrait faire bouger les choses, surtout si des partenariats avec la pré-orientation se mettent en place...

* Fagerh : réseau coordonné d'organismes gestionnaires et d'établissements de rééducation professionnelle, ouverts aux personnes en situation de handicap

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