Quel parcours pour les enfants dys ?

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Les troubles des apprentissages et de l’attention sont souvent diagnostiqués sur le tard. Et quand la prise en charge n’est pas adaptée, la scolarisation s’en trouve perturbée… Réunis par trois associations du sud de la France le 16 mars 2010 à Aubagne, des parents d’enfants dys racontent.

Les participants

Marie-Pierre, maman de Vincent, 10 ans, dyspraxique et précoce.
Céline, maman de Léa, 7 ans, dyspraxique visuospatiale avec troubles de l’attention.
Valérie, maman d’Alexandre, 8 ans, atteint de troubles de l’attention.
Bernard, papa de Paul-Emmanuel, 18 ans, dyslexique.
Françoise, maman d’Emma, dyscalculique, dysorthographique et dyspraxique visuospatiale.
Feta, maman de Madlyn, 13 ans, dyslexique.

Daniela, maman de Coralie, 10 ans, dyspraxique visuospatiale et dyscalculique.
Gaëlle, maman de Matéo, 11 ans, dyspraxique, et d’Enzo, 14 ans, hyperactif.
Marie-Ange, maman d’Ève-Lise, 13 ans, dyslexique.
Sophie, maman de Nicolas, 15 ans, dyspraxique, dyslexique, et de Romain, 9 ans, dysphasique.
Sabine, maman de Marine, 19 ans, dyslexique, dyscalculique et dysorthographique.
Nadia, maman de Thomas, 7 ans et demi, dyspraxique, dysgraphique et précoce.
Jean-Yves, papa de Claire, 12 ans, dyslexique.
Michelle, bénévole, donne des cours de soutien scolaire à domicile.
Luce Nocera, association Dyspraxique mais fantastique (DMF).
Cathy Piasco, Association Avenir Dysphasie Provence (AAD).
Annie Jullien, association HyperSupers TDAH France.

Erreurs et retards de diagnostic

Céline. Ma fille souffre de dyspraxie visuospatiale avec troubles de l’attention. Au centre d’action médicosociale précoce (Camsp), on me disait que Léa était déficiente intellectuelle.
Sabine. Comme vous, les consultations au Camsp ne donnaient rien. On me parlait d’orientation en IME. Un jour, alors que je rangeais ma bibliothèque, un livre m’est tombé sur la tête. J’y ai vu des reproductions de textes d’enfants avec des erreurs qui correspondaient à celles de Marine. C’est comme ça que j’ai découvert ses troubles : dans un bouquin daté de 1975 !
Valérie. J’ai un garçon de 8 ans qui souffre de réels troubles de l’attention et de la concentration. Alexandre a eu un bilan neuropsychologique qui n’a rien donné. On m’a simplement dit que mon fils avait une imagination débordante.
Françoise. Certains pros inventent, non ?
Bernard. Mon fils de 18 ans est dyslexique, il a été diagnostiqué seulement cette année. Quand il était plus petit, on traitait mon fils de fainéant. Il souffrait beaucoup à l’école. Imaginez un peu toutes les claques qu’il a prises dans la figure toute sa vie ! Il a fallu qu’il échoue au bac pour que l’on s’en rende compte. Paul-Emmanuel a maintenant droit au tiers temps supplémentaire pour les examens. Quelle évolution dans sa scolarité !
Gaëlle. Mon fils de 14 ans, Enzo, est hyperactif. Pendant des années, il a été suivi par des pédopsychiatres qui lui ont tous donné des neuroleptiques pour le calmer et l’aider à mieux dormir.
Annie (association HyperSupers). Un neuroleptique, ce n’est pas du tout adapté pour un enfant hyperactif !
Gaëlle. Comment savoir, quand tous les médecins prescrivent la même chose ? Après le neuroleptique, on lui a prescrit un anxiolytique. Cela ne l’a pas empêché d’être renvoyé dix fois de l’école, de se battre avec son frère. Il n’a jamais été violent avec moi, mais ce n’est pas facile tous les jours.
Sabine. Le diagnostic est tombé après des années de “pédopsychomachinchose”, de dessins pour analyser ma fille et vérifier si sa mère n’était pas, par hasard, un peu hystérique…

À l’école, quelle galère !

Marie-Pierre. Mon garçon est en CM2, il est dyspraxique, et j’envisageais un collège privé pour l’an prochain. J’ai rencontré la directrice. Elle m’a dit que son établissement n’était pas « équipé » pour les enfants comme le mien !
Françoise. Cela fait quatre ans que je demande des adaptations pour Emma… Toujours rien. Et pourtant, ce n’est pas une école privée.
Jean-Yves. Moi, j’ai de la chance, ma fille est seulement dyslexique ! Elle est aujourd’hui dans un collège expérimental qui utilise la pédagogie Freinet, et cela se passe plutôt bien.
Nadia. Je me suis renseignée sur ce type d’école, et on m’a dit que ce n’était pas forcément une bonne chose. En plus, il y a beaucoup d’attente. Cela m’a refroidie.
Jean-Yves. Ce n’est pas tellement la méthode Freinet qui est intéressante. Nous avons surtout affaire à des enseignants formés, et cela nous change de ceux qui ne se sentent pas impliqués du tout.
Françoise. Quand ma fille était en CE1, la maîtresse l’enfermait dans la classe pendant les récréations. Elle lui reprochait d’être lente et lui demandait de finir son travail pendant que les autres s’amusaient. Emma est aujourd’hui en CM1, et les injustices continuent. Le directeur ne veut plus de ma fille, il me dit qu’elle a des troubles du comportement et qu’en plus elle ne comprend rien. Les enseignants n’ont pas de budget pour photocopier les cours. Cette année, le meilleur élève de la classe s’est cassé le bras… et il en a eu, lui, des photocopies !

Ouvrir le dialogue : pas simple

Feta. Le prof de maths tenait absolument à ce que ma fille fasse les mêmes exercices que les autres, avec des graphiques, de la géométrie, alors qu’elle a des problèmes de représentation dans l’espace ! Sur les conseils de Dyspraxique mais fantastique, j’ai pris rendez-vous avec le principal du collège. Depuis notre discussion, tout a radicalement changé. Le médecin scolaire, qui n’avait jusque-là fait aucun effort, est prêt à tout m’accorder.
Luce (association Dyspraxique mais fantastique). Il aura fallu un an pour que tout se mette en place. Vous avez ouvert le chemin pour les autres.
Feta. Tout n’est pas gagné. Récemment, lors d’une réunion pour le projet d’accueil individualisé, l’un des membres de l’équipe éducative a dit en présence de ma fille : « C’est déjà bien si Madlyn va jusqu’en troisième, mais ne pensez pas qu’elle puisse poursuivre dans l’enseignement général par la suite. »
Cathy (Association Avenir Dysphasie Provence). Et toi, Madlyn, qu’aimerais-tu faire plus tard ?
Madlyn. Actrice ! (Rires dans l’assemblée.) Et pourquoi pas ? Einstein était bien dyslexique !
Gaëlle. Lors d’une réunion de l’équipe pédagogique, et alors que j’avais expliqué au moins dix fois aux uns et aux autres ce dont mon fils avait besoin (un ordinateur et un AVS, sur prescription médicale), le directeur m’a demandé : « Pourquoi venez-vous ? » Le médecin scolaire s’est ensuite adressé directement à Matéo : « Te rends-tu compte qu’avec un AVS, tu seras le handicapé de la classe ? » Et le principal adjoint d’acquiescer. Je n’en revenais pas ! Après tout ce que j’avais fait pour convaincre mon fils de l’utilité d’un AVS !
Marie-Pierre. Je suis enseignante et je ne comprends pas le manque d’intérêt de l’école et de certains professeurs pour nos enfants. Je trouve même cela dramatique.

Mots-clés: Scolarisation, Témoignages

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