Lettre N°46 |
Cette lettre sera largement consacrée à nos échanges lors de notre Assemblée Générale du 20 mai dernier auxquels vous avez encore une fois et ce depuis 15 ans répondu présents massivement. La diversité du public nous montre bien que le parcours des jeunes handicapés est non seulement l’affaire de l’École mais bien celle de toutes les composantes de la société. Car au-delà d’une école inclusive, c’est bien d’une société inclusive dont nous avons tous besoin. Composantes que sont les collectivités territoriales et je remercie Madame Nathalie Léandri, Vice-présidente du Conseil Départemental qui démarre sa nouvelle délégation aux Affaires scolaires pour sa présence aux côtés de SAIS92 et les familles, réaffirmant bien l’implication historique du Département aux côtés des jeunes collégiens handicapés.
Mais aussi les Mairies, également partenaires historiques de SAIS92. Je salue aussi la présence de Madame Virginie Lanlo, en charge du Réseau Éducation à l’Association des Maires des Hauts-de-Seine et maire adjointe à l’Éducation à Meudon avec qui nous bâtissons l’Observatoire du handicap pour fluidifier le parcours des enfants et jeunes handicapés dans leur vie de citoyen de leur commune et qui participe activement à notre Réseau Loisirs Handicap 92 créé il y a 10 ans en partenariat avec la DDCS92.
Pour revenir au thème de notre table ronde École Inclusive mode d’emploi, nous avons donc sollicité le Directeur académique, Monsieur Philippe Wuillamier et les acteurs de terrain qui travaillent quotidiennement à la réalisation des parcours des jeunes porteurs de handicap. Nous tenons à souligner la dynamique partenariale, qui depuis 15 ans, anime les relations sur notre département entre associations de familles et la maison Éducation Nationale, la présence régulière de l’Inspecteur Académique en est la preuve réelle.
La mise en perspective des parcours des collégiens et lycéens a permis de dégager les bonnes pratiques pour une école inclusive grâce à l’implication des chefs d’établissements et des coordinateurs des dispositifs ULIS. Des pistes et des leviers pour améliorer et fluidifier les parcours ont été évoqués, le but étant de pouvoir faire monter en qualification tous ces jeunes en vue de leur insertion professionnelle.
Encore et toujours beaucoup d’inégalités de réussites, c’est pour cela que ces échanges sont indispensables pour montrer et démontrer que non seulement c’est possible mais que surtout c’est souhaité par les jeunes eux-mêmes.
En cette fin d’année scolaire, je souhaite aux enfants et aux jeunes de belles réussites pour les différents examens de fin d’année et vous donne rendez-vous pour la rentrée de septembre 2015 encore et toujours plus motivés.
Sophie Cluzel
L’association SAIS 92 fête ses 15 ans d’existence et les 10 ans de la loi du 11 février 2005
Quelles sont les avancées et les attentes ? Comment mettre en place les conditions de scolarité pour un parcours réussi des jeunes en situation de handicap ? Où en sommes-nous avec l’école inclusive avec ce nouveau concept ?
Intervention de Monsieur Philippe Wuillamier, Directeur Académique des Services de l’Éducation Nationale
Comment définir le concept de l’école Inclusive La question du droit à l’école est une question qui n’est jamais réglée, mais aujourd’hui elle est très inscrite dans les collèges et les lycées. La mise en œuvre d’une école inclusive est d’actualité. On a parlé de développer le potentiel de chaque élève, de chaque individu dans une logique et d’accueil et d’adaptation (UNESCO) et d’en finir avec les discriminations quelles qu’elles soient. L’accueil n’est pas la même chose que l’adaptation. Ce ne sont pas les structures pédagogiques qui vont rendre l’école inclusive, ce sont les leviers qui sont importants et ils sont intéressants s’ils sont au service d’un parcours. Il faut susciter et favoriser une réflexion d’abord éthique, quelles sont les valeurs qui font que l’action pédagogique puisse aboutir à l’école inclusive et accompagner les établissements scolaires (collèges, lycées) à définir une politique de l’école inclusive et définir comment l’ensemble de la communauté s’organise autour de cela. L’école inclusive pourrait être une école qui permettrait à chaque enfant de faire partie d’un tout et d’exister tout seul. Les pistes de travail évoquées par Mr Wuillamier | Comment travailler ensemble ? SAIS92 : Il faudrait une formation conjointe en binôme avec les professeurs, les éducateurs et les rééducateurs spécialisés qui ont une connaissance assez fine du besoin des enfants. Il est nécessaire de travailler sur la souplesse des parcours et sur la géographie des établissements pour accueillir un SESSAD, un SEFIS, etc… On est autonome parce qu’on est bien accompagné par des professionnels formés et si possible ensemble, c’est toute la difficulté de la formation des équipes enseignantes, de l’équipe pédagogique et de l’équipe de direction. Focus : 45 personnes vont partir en formation en alternance l’année prochaine pour essayer de couvrir les besoins du personnel et des enfants du 1er degré. Concernant les AVS, est prise en charge la formation des personnels de ceux qui sont sous contrats d’assistants d’éducation. Pour ceux qui sont en contrat aidé, ils sont formés au niveau académique. Le numérique : c’est un outil qui permet de faire bouger les lignes en termes de pratique pédagogique en particulier au collège et au lycée. C’est un moyen de travailler autour de la question de l’école inclusive. La tablette permet de bien banaliser l’accès aux apprentissages sans stigmatiser. Cela pourrait faciliter pour beaucoup d’élèves handicapés l’accès aux apprentissages et on a l’intention d’avancer très vite sur cette question. C’est bien en amont qu’il faut s’approprier les outils. |
État des lieux au sein des établissements scolaires du 92
par Madame Chantal Zelmati, Inspectrice ASH, Adaptation et Scolarisation des élèves Handicapés, Situations et parcours des jeunes
Tables rondes
1ère thématique : la posture du collégien, les attendus
Intervention de Madame Régine Chiron, Principale adjointe du Collège Gounod à Saint-Cloud et de Madame Barbara Lefebvre coordinatrice de l’ULIS.
Le Collège Gounod accueille 410 élèves avec très peu de catégories socioprofessionnelles défavorisées. Avec 29 enseignants, 27 sont concernés par des élèves en inclusion de la 6ème à la 3ème, 9 élèves accueillis dans le collège avec un suivi ESS. 8 élèves qui ont des PPS avec un parcours particulier sont recensés à la MDPH. Nous avons créé une ULIS en septembre 2010. En tant que coordonnateur de l’ULIS, je suis professeur d’histoire géographie et j’ai eu ma certification après avoir fait un projet de reconversion pour devenir Enseignante Coordonnatrice d’ULIS. J’ai intégré ce poste à la rentrée et je m’occupe de 9 élèves entre 12 ans et 16 ans. 3 élèves sont partantes cette année et quittent le dispositif, 1 élève entrant cette année. 4 places sont par conséquent complètes. Le profil des élèves avec handicap : identification des troubles et comment ces troubles impactent les apprentissages ? Les neurosciences cognitives ont beaucoup de choses à nous apprendre. Il faut travailler sur l’histoire de ces élèves et de leurs besoins spécifiques, Levier : l’enseignant référent qui est la cheville ouvrière de l’élève est là pour ça. C’est une perte de temps de devoir réévaluer sans cesse les élèves. Il y a eu des méthodes d’adaptation qui ont bien fonctionné dans le passé. C’est très compliqué quand on passe d’un degré à un autre. Il faut travailler sur la transmission des besoins et des adaptations, des besoins qui ont toujours existé. Il faut être dans la trace écrite des besoins, car c’est fastidieux pour les parents de toujours tout réexpliquer. La personne ressource, la prise en charge des élèves avec handicap : qui dit ULIS dit un professeur coordonnateur. Le coordonnateur est l’interlocuteur privilégié pour les adaptations. Il est très important pour les professeurs qui vont devoir intégrer dans leur classe un élève avec troubles, de savoir de quoi il souffre, et ce qu’ils doivent faire pour adapter leurs cours. Les professeurs ne sont pas forcément formés à tout et ils savent bien le dire. Le rôle du professeur coordonnateur ULIS est là très important et il doit avoir des informations à fournir aux professeurs. La formation est donc indispensable et un minimum d’informations sur les troubles de l’élève doit être disponible. L’inclusion des élèves fait partie du projet d’établissement. | Il résulte que le nouveau concept de l’école inclusive recouvre des situations extrêmement complexes et diverses selon les établissements et les ULIS quant au suivi pédagogique des enfants handicapés, les troubles dont ils souffrent, l’organisation des emplois du temps, la formation des intervenants. On est dans le monde de la complexité et cela recouvre des réalités extrêmement diverses. C’est au personnel de direction de faire en sorte que tout se passe bien. Il est important d’avoir une communication régulière avec le professeur coordonnateur et d’être présent en salle. Il est important d’augmenter le nombre d’enseignants coordonnateurs d’ULIS qui viennent eux-mêmes du secondaire. Les PEE sont compétents. Il faut accentuer les efforts et motiver les professeurs du secondaire. Beaucoup de collègues concernés par l’inclusion et les élèves en situation de handicap ne s’adaptent pas. Il faut avoir un même niveau d’exigence pour tous les élèves et ne pas niveler vers le bas. L’école républicaine préconise un même niveau d’exigence pour tous les élèves. Les textes disent bien que l’élève doit être avec sa classe de référence et c’est important pour sa construction Les mots clés sont : Individualisation, autonomie, prévisibilité et adaptation des enseignements, faisabilité et valorisation de ces élèves pour que leur présence au collège soit vraiment porteuse de sens et d’avenir. Je n’ai pas fait cette année une pré-rentrée ULIS, les élèves ont fait une vraie rentrée. Il faut faire vivre l’école inclusive. Le tissage est très lent, le soutien de l’équipe administrative et de la Direction qui considèrent que c’est un dispositif qui accompagne une classe est fondamental. Il reste à faire tout un travail au niveau des collègues sur le long terme qui est essentiel pour faire vivre véritablement l’école inclusive. |
2ème thématique : l’élaboration du projet d’orientation et de formation
Intervention de Madame Marianne Girou, Proviseure du Lycée Théodore Monod à Antony et Madame De Saintilan, Coordonnatrice de l’ULIS PRO.
La genèse de l’ULIS PRO à Antony. Certes on fait tous le même travail mais chaque ULIS a une coloration particulière. L’ULIS pro créée à la rentrée 2014 est l’aboutissement logique des dossiers que nous avons montés pour l’obtenir et qui mettaient en avant les atouts dont disposait notre lycée pour ouvrir une Ulis Pro. Tout d’abord, une certaine culture du handicap dans l’établissement puisque depuis plus de 12 ans, nous accueillons dans la voie sanitaire et sociale aujourd’hui ASSP, puis en cuisine, des jeunes sourds de l’IJS de Bourg la Reine. Cela veut dire que quasiment toutes les équipes sont habituées à travailler et à recevoir dans leurs cours des professionnels extérieurs qui aident ces élèves et à prévoir pour eux des cours adaptés. Par ailleurs, nous recevions sur nos plateaux techniques et sans moyens particuliers, des élèves de l’Ulis Pro Le Florian de Sceaux, ce qui renforçait cette expérience du handicap. De plus, une de nos enseignantes a passé le 2CASH. Au lycée Théodore Monod à Antony et ULIS Pro, chaque année le nombre de PAI et les élèves porteurs de PPS reste important, entre 6 et 8% de nos élèves en ont un. Les équipes ont donc l’habitude d’adapter leur enseignement aux besoins particuliers de ces élèves et les autres élèves acceptent ces particularités sans revendication, ni sentiment d’injustice et au contraire les rendent plus tolérants à l’égard de la différence. Les vocations du Lycée Pro en CAP sont l’insertion professionnelle et la poursuite d’études vers les MC, FC, 1ère bac Pro quand il y a des places ouvertes, grâce à une formation qui allie cours, travaux pratiques et stages en entreprises. Cela requiert adaptabilité et capacités. C’est dire que nous avons un public fragile dans son ensemble et que le besoin d’accompagnement le plus individualisé possible est quasi général en CAP. La création de l’Ulis pro avec sa spécificité de permettre une fluidité des parcours en cas de besoin, est donc la conséquence d’une histoire d’établissement. Son implantation a été extrêmement bien accueillie par tous les enseignants et a généré une dynamique et une cohésion parmi les équipes de CAP. Il est à noter aussi l’importance de la localisation stratégique de cette salle ULIS Pro (et du bureau attenant) – située au rez-de-chaussée, à côté de l’entrée des élèves, du bureau des assistants d’éducation et de la salle de permanence, entre les 2 bureaux des CPC, en face du CDI, tout près du bureau de l’infirmière, de l’Assistante Sociale (AS) et de la conseillère d’orientation Psychologique (COP), non loin de la salle des professeurs – facilite le travail en équipe en réseau. Une vraie immersion favorisant et l’inclusion et l’attention nécessaire pour ce public. Particularités du lycée professionnel : il n’est pas possible de rattraper des Travaux pratiques non effectués par les élèves car les plateaux techniques ne sont pas disponibles. En réalisant les TP, le jeune est souvent valorisé, prend confiance en lui, se “réconcilie” avec l’école. Ces activités pratiques donnent du sens à son travail, il est plus facile ensuite d’acquérir des connaissances théoriques et enfin d’approfondir les apprentissages dans les matières générales. | Pour ces raisons, il est indispensable que nos élèves soient le plus possible en inclusion, puis en soutien quand cela est nécessaire (à la demande du jeune, des enseignants, des parents…). Ces élèves de CAP sont particulièrement fragiles et demandent beaucoup d’attention de notre part. Les différentes propositions et leurs mises en œuvre vont nous aider à mieux accueillir nos élèves en situation de handicap, mais aussi les autres élèves de CAP. Sont nécessaires l’individualisation du parcours de l’élève, le travail en équipe pluridisciplinaire, la pédagogie différenciée. Les élèves qui intègrent les classes de CAP en ULIS Pro doivent au minimum accepter les trajets et les horaires conséquents :
Être capable d’effectuer, ou petit à petit, les stages à l’extérieur du lycée : 4 +6 semaines en ATMFC, 2 x 3 semaines en EVS, 2 x 4 semaines en restauration. 3 élèves du dispositif ont effectué leur 1er stage au sein de l’établissement (cuisine, lingerie, entretien). Bref accepter les trajets et les horaires conséquents, de porter la tenue professionnelle adaptée à la section, de réaliser certaines tâches, comme se laver les mains, ne pas contester certains protocoles et avoir une certaine résistance physique. Il ne faut pas nier les difficultés d’ouverture, cependant voici quelques pistes d’amélioration : Accélérer le transfert des dossiers et les listes des élèves affectés le plus en amont possible pour anticiper les besoins, Informer les parents pour leur participation au projet des élèves. Accompagner le lycée sur les recrutements des AVS co, personnel indispensable pour faire vivre concrètement les inclusions entre autre. |
Stages à l’extérieur
Il y a tout un travail à faire pour trouver un partenariat et un gros travail de maillage à créer dans les bassins sur les portes ouvertes sur les collèges et les lycées professionnels. Il faut beaucoup travailler en amont pour les stages de découverte en ULIS, comment accompagner ces jeunes à l’extérieur et c’est une vraie problématique. | Il est nécessaire de travailler sur l’autonomie avec un service d’accompagnement dans les transports, (utiliser plus “les compagnons du voyage” labellisé par la MDPH. Le stage doit donner du sens et du concret au métier vers lequel le jeune se dirige. |
Orientation professionnelle des 16 – 25 ans :
Monsieur DUEE, chargé de Mission académique sur l’insertion des jeunes en situation de handicap. Il vient de prendre sa mission en septembre 2014. Cette disposition couvre tous les jeunes de 16 à 25 ans qu’ils soient dans les dispositifs ou à la sortie de ces dispositifs pour essayer de faire une transition entre la sortie de l’école et le monde professionnel. Même chose pour l’organisation de séminaires thématiques en faisant se rencontrer des coordonnateurs d’ULIS avec des entreprises par secteurs. Il va essayer de faire des demi-journées thématiques à partir de l’année prochaine. Il est aussi chargé de rencontrer les entreprises et anime un site internet avec les lettres d’informations sur les annonces d’apprentissages. Avec la mobilisation gouvernementale sur l’accès à l’apprentissage, les ministères doivent normalement pour fin septembre 2015 accueillir 7000 apprentis. C’est l’action numéro 6 du plan gouvernemental.SAIS92 : Il est nécessaire de bâtir quelque chose de concret pour que les entreprises comprennent quel type de jeunes vont arriver et vont frapper à leurs portes parce que ce sont des jeunes qui sont différents des autres, compétents et autrement capables mais pas forcément diplômés, comment on les accompagne vers l’entreprise. | Le temps un facteur déterminant : certains auront besoin peut-être de plus de temps après leur ULIS PRO pour intégrer une entreprise. On a besoin d’établir des passerelles pour trouver du travail à ces jeunes. L’Éducation nationale a fait sa révolution. Il faut maintenant que les entreprises et les collectivités territoriales la fassent aussi. Ce sont des gisements d’emplois mais il faut que cela soit un véritable emploi et non pas quelque chose d’occupationnel. Le Point de vue des équipes de terrain sur la collaboration avec les familles : elle est indispensable pour pouvoir travailler l’orientation car il y a parfois un décalage considérable entre ce que veut faire l’élève et ce qu’il peut réellement faire et il faut expliquer cela aux parents. On a parfois beaucoup de mal à communiquer avec la famille pour faire évoluer le projet de leur jeune. Il ne faut pas aller se fracasser contre la réalité de ce qu’est le lycée professionnel. Au niveau de l’ULIS collège, on a un travail à faire en amont de cette orientation. On rencontre des difficultés lorsque l’orientation n’a pas été correctement préparée avec des stages réellement effectués et que l’orientation se fait par défaut et que l’on veut faire croire que tout va bien se passer parce qu’il y aura un accompagnement, un cadre. On n’envoie pas un élève en lycée professionnel sans même avoir fait un stage et surtout pour des élèves en situation d’autisme qui ont un accompagnement. |
Les mots clés sont individualisation, accompagnement vers l’autonomie, prévisibilité et adaptation des enseignements, faisabilité et valorisation de ces élèves pour que leur présence au collège soit vraiment porteuse de sens et d’avenir vers un lycée en vue d’une insertion professionnelle valorisante.