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Une victoire majeure pour l'intégration scolaire des déficients intellectuels

Nouvelles générales - Éducation
Écrit par Gabrielle Duchaine
Mardi, 21 juin 2011 22:04
Mise à jour le Mardi, 21 juin 2011 23:44

Henri (nom fictif) a passé le quart de son primaire dans une classe spéciale avec un diagnostic de déficience intellectuelle légère collé sur le front. Comme il arrive souvent, ses parents se sont battus pour qu'il aille en classe avec des enfants normaux. Après avoir essuyé plusieurs refus, ils ont poursuivi la commission scolaire. Ils ont gagné.

Leur histoire, qui a commencé comme tant d'autres, pourrait forcer la Commission scolaire Marie-Victorin, en Montérégie, à revoir de A à Z l'intégration de ses élèves en difficulté. « C'est assez majeur », convient l'avocate de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (CDPDJ) qui a plaidé leur cause, Athanassia Bitzakidis.

Diagnostic fatal

En mai 2003, alors qu'il était en première année régulière à l'école Marie-Victorin de Longueuil, Henri a reçu un verdict d'une possible déficience intellectuelle légère de la part de la psychologue scolaire. La spécialiste précisait toutefois que ce diagnostic devait être observé avec « beaucoup de prudence » parce que « certains indices lors de la passation des différents sous-tests démontraient (que l'enfant) avait des possibilités supérieures à la moyenne ».

Le garçon a donc fait sa deuxième année en classe normale, conditionnellement à ce qu'il prenne un médicament pour un déficit d’attention.

Mais à la fin de l'année, basé sur le rapport nuancé de la psychologue vieux de plus d'un an, la commission scolaire a décidé de placer Henri dans une classe spéciale de déficience intellectuelle dans une école de Boucherville.

L'élève, qui est maintenant au secondaire, s'est retrouvé dans un groupe multi niveau et multi âge d'élèves de 8 à 12 ans, avec un niveau de scolarité de la première à la troisième année. Ceci contre le gré de ses parents, qui ont toujours contesté son classement. S'en est suivi une longue bataille qui vient à peine de prendre fin.

Entre 2004 et 2006, Henri a changé trois fois d'école publique, toujours pour avoir une place dans une classe spéciale. Selon une requête introductive d'instance déposée en octobre 2010 par la CDPDJ devant le Tribunal des droits de la personne, il s’est « senti exclu et ostracisé ».

« Il a grandement été affecté par sa fréquentation d’une classe spéciale, et complètement démotivé par l’école », peut-on lire.

Malgré des protestations répétées de la part de ses parents, il n'aurait jamais été question de retransférer le garçon au régulier. « Une fois en classe spéciale, il n’y a plus de possibilité de retourner en classe régulière, votre enfant n’ira jamais en classe régulière », leur aurait-on dit.

Désespérés et voyant que leur fils n'aurait d'autre choix que de terminer son primaire loin des élèves normaux, ses parents l'ont inscrit à l'école privée l’Académie des petits Phénix de Longueuil pour l'année scolaire 2006-2007. Il y a complété ses quatrième, cinquième et sixième années dans un groupe régulier avec des notes au dessus de la moyenne. Les diagnostics de déficience intellectuelle et de déficit d’attention n'ont plus jamais été soulevés.

Discrimination

La famille, persuadée que Henri avait été victime de discrimination, a décidé de pousser l'affaire plus loin. En 2010, aidée de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, elle a déposé une poursuite devant le Tribunal des droits de la personne. Moins d'un an plus tard, l'affaire vient de se régler hors cour.

L'entente est lourde de conséquences.

Non seulement les parents ont-ils reçu un dédommagement financier dont le montant est confidentiel (ils demandaient 91 000 $), mais la Commission scolaire Marie-Victorin s'est engagée, devant un juge, à « prévoir et à appliquer une politique d'adaptation scolaire qui privilégie le classement en classe régulière des élèves vivant avec une déficience et un handicap ».

Le magistrat leur ordonne aussi de ne pas faire « du respect des normes de réussite et du profil académique de la classe régulière une condition pour y être orientés ».

Ceci force la CSMV à adapter ses normes d'évaluation et de classement pour tenir compte des handicaps et à élaborer des plans d'intervention envisageant toutes les adaptations raisonnables pouvant permettre l'intégration en classe ordinaire de l'élève, et ce, le plus près possible de sa résidence.

« La classe ordinaire doit toujours être le plan A », résume l'avocate Athanassia Bitzakidis, selon qui l'entente hors cour a une force importante. « Que la commission scolaire ait accepté qu'on lui ordonne des changements, sans même de procès, c'est quelque chose », dit-elle.

À cause du caractère confidentiel d'une partie de l'entente, la direction de la Commission scolaire a refusé de commenter l'affaire. Une porte-parole a toutefois indiqué que la politique relative aux élèves handicapés ou en difficulté d’adaptation ou d’apprentissage était en cours de révision en ce moment et que son adoption, fin juin, serait suivie d'un point de presse explicatif.

Un débat chaud

Depuis plusieurs années, l'intégration des élèves en difficulté est au cœur des débats. La CDPDJ reconnait d'ailleurs recevoir de plus en plus de plaintes de parents sur la question.

Le sort à réserver aux enfants en difficulté d'apprentissage ne fait pas l'unanimité. L'an dernier, plus de 1000 membres du syndicat des professeurs de la Commission scolaire des Grandes-Seigneuries ont signé une pétition réclamant la mise sur pied de groupes adaptés pour ces élèves.

Plusieurs autres syndicats estiment aussi que l'assimilation des élèves en difficulté entraîne un nivellement vers le bas. Le ministère de l'Éducation, partisan de l'intégration en classe régulière, a lui-même avoué en 2010, par le biais de la ministre, que le principe n'avait pas donné les résultats escomptés.

Un sondage Léger Marketing daté d'octobre dernier révèle que 60 % des parents croient que la présence d'enfants en difficulté dans les classes régulières nuit à l'apprentissage scolaire des autres enfants.

Il y aurait 163 000 élèves en difficulté ou handicapés au Québec.

Mots-clés: Scolarisation, Témoignages

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